Quand je l’ai eu, c’était à Pâques. Ma mère me l’a offert en disant :
« Voilà un agneau, il est doux et aimable, il a bon caractère, vous allez bien vous entendre.
Au début, il dormait sur mon lit. Il mangeait du pain avec du « chocobinuts », il faisait mes devoirs.
Il était très propre. Un jour, en rentrant de l’école, je l’ai trouvé couché par terre en train de fumer une cigarette.
Je me suis révoltée. J’ai même un peu crié. Il m’a répondu avec beaucoup de patience :
« Ne me parle pas sur ce ton. Je t’aime bien, tu le sais. Mais regarde ma tête, j’ai de grosses cornes enroulées maintenant. Ma toison a changé ! Je suis devenu un bélier. J’ai besoin d’espace, d’air, de liberté. J’ai envie de découvrir le monde ! Si tu m’aimes comme tu le prétends, tu dois me laisser respirer l’air du dehors. »
De saisissement, je me suis assise près de lui en tailleur. J’ai pris une cigarette dans son paquet. J’ai réfléchi.
Je l’ai regardé longtemps au fond des yeux et je me suis dit :
« Oui, c’est vrai. Il a grandi .Il est musclé, il a besoin d’éprouver sa force. Je vais ouvrir et il sortira. »
Il est parti. Loin. Longtemps. J’ai cru ne plus jamais le revoir.
Et un matin il était là. Dans mon jardin. Il broutait.
On s’est regardés. J’ai vu au fond de ses yeux la même chaleur douce qu’autrefois.
On n’a rien dit. On a seulement souri.
Depuis, on laisse toujours les portes ouvertes.
Des fois je pars. Des fois c’est lui.
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